Votre service comptable vient de recevoir un contrôle fiscal. L’inspecteur demande les factures des trois dernières années. Vos équipes les retrouvent rapidement dans votre logiciel de gestion électronique de documents.
Mais peuvent-elles les produire comme preuve ? La réponse juridique surprend souvent : pas nécessairement. Un document dématérialisé accessible ne garantit pas sa valeur probatoire.
Entre GED (gestion électronique de document) et archivage électronique, la frontière reste floue pour beaucoup d’entreprises. Pourtant, confondre ces deux solutions peut avoir des conséquences juridiques lourdes lors d’un contentieux ou d’un audit.

Sommaire
- La GED et l’archivage électronique répondent-ils au même besoin ?
- Peut-on se contenter d’une GED pour l’archivage des documents ?
- Quelles sont les obligations légales en matière d’archivage électronique ?
- Comment articuler GED et archivage électronique dans votre entreprise ?
- GED et archivage électronique : quelle solution pour votre entreprise ?
Les points à retenir pour comprendre la différence entre GED et archivage électronique
- La GED gère les documents actifs du quotidien (modification, collaboration, workflows) tandis que l’archivage électronique conserve les documents figés avec garantie d’intégrité.
- Une GED ne constitue pas un archivage légal : elle permet la modification des documents, ce qui compromet leur valeur probatoire.
- Le système d’archivage électronique (SAE) répond à la norme NF Z42-013 qui impose intégrité, traçabilité, pérennité et réversibilité.
- Ces deux solutions se complètent tout au long du cycle de vie documentaire : la GED pour les phases actives, le SAE pour la conservation légale.
- Le choix dépend de vos obligations sectorielles : durée de conservation requise, volume documentaire et exigences réglementaires.
La GED et l’archivage électronique répondent-ils au même besoin ?
La confusion entre ces deux solutions provient d’une mécompréhension du cycle de vie du document. Un document traverse plusieurs étapes dans l’entreprise : création, modification, validation, utilisation, conservation puis destruction. La GED et l’archivage électronique n’interviennent pas aux mêmes moments de ce parcours.
La GED (gestion électronique de document), un outil du quotidien
La gestion électronique de documents désigne un système conçu pour faciliter le travail collaboratif sur des fichiers actifs. Elle centralise l’accès aux informations et permet leur manipulation en temps réel.
Les collaborateurs peuvent, par exemple?:
- modifier une proposition commerciale,
- valider un contrat,
- annoter un cahier des charges
- ou partager un dossier client.
Un logiciel de GED traite ce que les professionnels appellent les documents « vivants » : ils évoluent, circulent entre services et font l’objet de versions successives.
Les fonctionnalités typiques regroupent?la gestion des droits d’accès, le suivi des modifications, les workflows de validation et l’indexation pour une recherche rapide.
L’archivage électronique, gardien de la mémoire
À l’inverse, l’archivage électronique pour les entreprises se concentre sur les documents « figés ». Une facture validée, un bulletin de paie émis, un contrat signé n’ont plus vocation à être modifiés. Ils doivent être conservés dans leur état d’origine pour répondre à des obligations légales ou servir de preuve en cas de litige.
Le système d’archivage électronique (SAE) garantit trois propriétés fondamentales :
- l’intégrité du document (impossibilité de le modifier),
- sa pérennité (conservation sur la durée légale requise)
- et sa traçabilité (historique de tous les accès).
Le coffre-fort numérique, régi par la norme NF Z42-020, se distingue du SAE par une vocation plus ciblée : il sécurise des documents sensibles (bulletins de paie, contrats) en garantissant leur intégrité au moment du dépôt, mais sans gérer l’ensemble du cycle de vie documentaire comme le fait un SAE.
L’intention juridique, un élément de distinction clé
La différence ne tient pas qu’à la technique : elle réside dans l’intention juridique de chaque solution. La GED facilite l’activité quotidienne des équipes, sans prétendre constituer une preuve opposable. Le SAE vise explicitement à sécuriser la valeur probatoire des documents pour anticiper un éventuel contentieux.
Prenons des cas concrets. Une PME qui gère ses dossiers clients actifs, ses propositions commerciales en cours de validation ou ses documents de travail collaboratifs privilégiera la GED. Elle a besoin de souplesse, de partage et de modification rapide.
En revanche, cette même entreprise devra recourir à un SAE pour archiver ses factures validées, ses contrats signés, ses bulletins de paie ou tout document soumis à une durée légale de conservation. Dans ces situations, l’enjeu n’est plus la collaboration mais la conformité et la preuve.
Peut-on se contenter d’une GED pour l’archivage des documents ?
Beaucoup de logiciels GED proposent aujourd’hui des fonctions d’archivage. Alors pourquoi investir dans un SAE séparé ? La réponse tient aux exigences juridiques que la GED ne peut pas, par nature, remplir.
Ce que dit la norme NF Z42-013
Cette norme française définit les spécifications d’un système d’archivage électronique conforme. Elle impose quatre critères non négociables :
- l’intégrité (le document ne peut être altéré),
- la traçabilité (tout accès est enregistré),
- la pérennité (le système garantit la lisibilité dans le temps)
- et la réversibilité (possibilité de récupérer les archives en cas de changement de solution).
Or, la conception même d’une GED entre en contradiction avec ces exigences. Elle privilégie l’accessibilité et la modification plutôt que le verrouillage.
Les trois limites juridiques de l’archivage GED
La modification reste techniquement possible
Une GED autorise les utilisateurs habilités à modifier les documents, même rétroactivement.
Imaginons une facture émise en janvier, classée dans la GED puis corrigée discrètement en mars pour rectifier un montant. En cas de contrôle fiscal, l’administration pourra contester la fiabilité de ce document. Le juge pourrait refuser de lui reconnaître une valeur probatoire, faute de garantie d’intégrité.
Les métadonnées peuvent alourdir la conservation
Pour gérer finement les documents vivants, la GED génère de nombreuses métadonnées : auteur, date de création, historique des versions, commentaires, workflows parcourus. Si certaines métadonnées restent utiles pour l’archivage (auteur, date, type de document notamment), d’autres comme les commentaires de validation n’ont plus de pertinence une fois le document figé. Cette accumulation d’informations inutiles alourdit la conservation à long terme sans apporter de valeur probatoire supplémentaire.
L’accessibilité ouverte fragilise la conformité
Une GED se veut multi-utilisateurs afin d’être accessible au plus grand nombre de collaborateurs. À l’inverse, un SAE repose sur une gestion stricte des habilitations. Un administrateur désigné contrôle qui peut consulter quoi et quand. Cette rigueur garantit que les documents sensibles ne subissent aucune manipulation non autorisée.
Ces limites techniques ont une traduction juridique directe : en cas de litige, une partie adverse peut contester la fiabilité d’un document extrait d’une GED. Les juges examinent alors si le système garantissait l’intégrité. Sans cette garantie, la preuve peut être écartée.
Tableau comparatif : GED, SAE et coffre-fort numérique
| Critères | GED | Coffre-fort numérique | Archivage électronique (SAE) |
| Usage principal | Collaboration sur des documents en cours de vie | Conservation sécurisée des documents sensibles | Gestion normée du cycle de vie documentaire |
| Expérience utilisateur | Plateforme accessible et collaborative | Simple d’accès, sans expertise technique | Interface spécialisée qui requiert une formation |
| Capacités techniques | Edition, partage, gestion de versions, circuit de validation | Dépôt sécurisé avec garantie d’intégrité grâce à l’horodatage | Inaltérité et pérennité |
| Cadre normatif | Aucune obligation | NF Z42-020 | NF Z42-013, ISO 14641 + eIDAS 2 (services qualifiés) et réglementations métiers |
| Force probatoire | Limitée (possibilité d’altération) | Circonscrite à l’intégrité au moment du dépôt | Maximale?: authenticité et intégrité sur toute la durée de conservation |
| Prix | Modéré | Modéré | Plus élevé |
Quelles sont les obligations légales en matière d’archivage électronique ?
La loi française impose des durées minimales de conservation selon la nature des documents. Les factures doivent être conservées dix ans à compter de leur émission (article L. 123-22 du Code de commerce). Les contrats de travail et bulletins de paie suivent la même règle décennale. D’autres délais existent : cinq ans pour les documents fiscaux, trois ans pour les factures d’énergie.
Ces durées constituent des minima légaux. Certains secteurs réglementés vont plus loin. Les établissements de santé doivent conserver les dossiers médicaux vingt ans. Les organismes financiers sont soumis à des obligations renforcées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Mais conserver ne suffit pas : encore faut-il garantir l’intégrité.
Le règlement eIDAS définit le cadre européen de la confiance numérique. Il reconnaît la valeur juridique des cachets électroniques qualifiés et des horodatages qualifiés. Ces mécanismes permettent de prouver qu’un document n’a pas été modifié depuis sa création et d’établir précisément sa date. Un SAE conforme s’appuie sur ces services pour renforcer la valeur probatoire des archives.
Comment articuler GED et archivage électronique dans votre entreprise ?
Le cycle de vie documentaire comme clé de décision
Chaque document traverse plusieurs phases : création, modification, validation, utilisation active, conservation légale, destruction. La GED intervient pendant les phases dynamiques lorsque le document évolue encore. Le SAE prend le relais dès que le document se fige, généralement après validation finale.
Prenons l’exemple d’une facture client. Le service commercial crée une proposition tarifaire dans la GED. Après négociation, le document est modifié à plusieurs reprises. Une fois le devis accepté, la facture définitive est générée et validée comptablement. À ce moment précis, elle bascule dans le SAE. La validation marque le « figement » : le document acquiert sa valeur juridique définitive.
Le document reste consultable en lecture seule dans la GED pour les besoins quotidiens, mais sa version probante et inaltérable se trouve dans le SAE.
Organiser le versement des documents de la GED vers le SAE
Cette transition repose sur des règles de versement claires, définies en amont. Plusieurs éléments structurent cette organisation.
D’abord, identifier les documents soumis à obligation légale. Tous les fichiers de la GED n’ont pas vocation à être archivés. Seuls les documents finalisés, validés et susceptibles de servir de preuve méritent un archivage légal.
Ensuite, définir les déclencheurs de versement. Quel événement marque le passage d’un document de « vivant » à « figé » ? Pour une facture, c’est sa validation comptable. Pour un contrat, sa signature par toutes les parties. Pour un bulletin de paie, sa transmission au salarié. Ces jalons doivent être formalisés dans une politique documentaire écrite.
Enfin, désigner un responsable de l’archivage. Contrairement à la GED qui est accessible à tous les collaborateurs, le SAE nécessite un administrateur dédié. Cette personne contrôle les versements, vérifie la conformité des métadonnées, gère les droits d’accès et surveille les dates de destruction réglementaires.
Les critères de choix selon votre secteur
Le volume documentaire
Une TPE qui génère quelques centaines de factures par an peut se contenter d’une solution légère. Un groupe qui archive des millions de documents nécessite une infrastructure plus puissante avec des capacités de stockage évolutives.
Les obligations réglementaires sectorielles
Les établissements de santé, soumis à la certification de la Haute Autorité de Santé (HAS), doivent prouver la traçabilité complète des dossiers patients([1]. Les entreprises du secteur financier répondent aux exigences de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Les sociétés cotées respectent les normes d’audit (SOX[2], ISAS devenu IFRS[3]). Chacune de ces contraintes oriente vers des solutions certifiées spécifiquement.
La durée de conservation requise
Archiver des documents pendant trois ans pose moins de défis techniques que de garantir leur lisibilité sur trente ans. La question de l’obsolescence des formats devient alors centrale : un fichier créé aujourd’hui sera-t-il encore lisible en 2054 ? Le SAE doit prévoir des migrations régulières vers des formats pérennes.
GED et archivage électronique : quelle solution pour votre entreprise ?
La GED et l’archivage électronique ne s’opposent pas. Ils se complètent tout au long du parcours documentaire. L’un facilite le travail quotidien des équipes, l’autre sécurise juridiquement le patrimoine informationnel de l’entreprise.
Avant d’investir dans une solution, il convient de cartographier vos flux documentaires. Quels documents créez-vous ? Lesquels doivent être conservés légalement ? Pendant combien de temps ? Qui doit y accéder et à quel moment de leur cycle de vie ? Ces questions simples permettent d’identifier ce qui relève de la gestion active (GED) et ce qui nécessite un archivage légal (SAE ou coffre-fort électronique).
En pratique, la GED et le SAE sont les deux faces d’une même stratégie documentaire : efficacité au quotidien et sécurité juridique à long terme. Pour garantir cette continuité, une solution d’archivage électronique comme celle d’Evidency, en tant que prestataire de services de confiance qualifié (PSCo) , assure la valeur probatoire de vos documents de leur création à leur conservation légale.
Références
[1] Code de la santé publique, art. L.1111-8 et R1112-7
[2] https://www.ibm.com/fr-fr/think/topics/sox-compliance
[3] https://acpr.banque-france.fr/fr/lacpr/lacpr-en-europe-linternational/cadre-comptable/standards-internationaux/normes-comptables-internationales-ifrs
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