La directive DORA, le règlement MICA, les nouvelles obligations des fintechs… Les réglementations européennes de 2025 imposent aux entreprises de renforcer leurs chemins de preuve numériques. La fraude documentaire coûte plus de 65 milliards d’euros chaque année, soit 2,5 % du PIB[1]. Au niveau européen, le Parquet européen recensait fin 2024 plus de 2 000 enquêtes actives liées à la fraude et estimait le préjudice à 24,8 milliards d’euros[2].
Dans ce contexte d’industrialisation de la fraude documentaire, amplifiée par l’IA générative, conserver un fichier ne suffit plus. Les entreprises doivent désormais prouver son authenticité et son intégrité pour se prémunir contre les contestations et les falsifications.
Face à ces exigences, deux solutions s’imposent dans le paysage de la gestion documentaire : le coffre-fort numérique et l’archivage électronique. Mais leurs objectifs diffèrent radicalement. Confondre les deux peut sembler anodin. Mais cela pourrait vous exposer à des risques juridiques réels, notamment lors d’un contrôle ou d’un litige.

Sommaire
- Le coffre-fort numérique : sécurité et simplicité avant tout
- L’archivage électronique : une approche globale de la gestion documentaire
- Comparatif détaillé entre coffre numérique et SAE : bien choisir sa solution
Ce qu’il faut retenir
- Le coffre-fort numérique sécurise des documents sensibles avec simplicité, mais n’assure pas la gestion complète du cycle de vie
- L’archivage électronique (SAE) gère l’intégralité du parcours documentaire avec une valeur probante forte
- L’archivage qualifié, encadré par eIDAS v2 et la norme CEN/TS 18170, offre le plus haut niveau de garantie juridique
- Le choix dépend du volume documentaire, des exigences réglementaires sectorielles et du budget disponible
- Un audit préalable et un accompagnement expert sont recommandés pour dimensionner correctement votre projet
Le coffre-fort numérique : sécurité et simplicité avant tout
Comment fonctionne un coffre-fort numérique ?
Le coffre-fort numérique (CFN) est un espace de stockage ultra-sécurisé qui garantit l’intégrité et la traçabilité des documents qui y sont déposés. À l’image de son homologue physique, il protège des informations sensibles contre les accès non autorisés.
Le coffre-fort numérique s’appuie sur quatre piliers essentiels : le chiffrement des données, une authentification multi-facteurs stricte, une journalisation complète des accès et un horodatage systématique. Autrement dit, chaque action est tracée, chaque fichier porte sa propre empreinte.
Lorsqu’un document est versé dans le coffre-fort numérique, le système génère une empreinte cryptographique unique (souvent appelée hash). Cette empreinte constitue en quelque sorte l’ADN numérique du document. Toute modification ultérieure serait immédiatement détectable.
Les avantages d’un coffre-fort numérique et quelques cas d’usage
Le coffre-fort numérique présente trois atouts majeurs.
- D’abord, sa simplicité d’utilisation : l’interface est pensée pour être accessible sans formation technique poussée.
- Ensuite, la protection maximale des données sensibles grâce au chiffrement et aux contrôles d’accès.
- Enfin, son accessibilité sécurisée à distance, depuis n’importe quel navigateur web, pour les utilisateurs autorisés grâce à une authentification forte et des connexions chiffrées.
Par exemple, le coffre-fort numérique peut être adapté pour les bulletins de paie dématérialisés (obligation légale depuis 2017), les contrats de travail, les documents RH sensibles ou encore les relevés bancaires et factures ayant une valeur juridique.
Les limites du coffre-fort numérique
Néanmoins, le coffre-fort numérique présente un certain nombre de limites :
- Absence de gestion du cycle de vie documentaire : pas de règles automatisées de conservation selon la typologie des documents
- Pas de destruction sécurisée programmée à l’expiration des durées légales.
- Pas de workflows de validation ni de gestion des versions successives.
- Il s’agit avant tout d’un espace de stockage sécurisé, pas d’un système de gestion documentaire complet.
Prenons un cas concret. Une PME du secteur pharmaceutique stocke ses dossiers de lots dans un coffre-fort numérique. Lors d’un contrôle de l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé), elle doit prouver que ces documents n’ont jamais été modifiés depuis leur création. Problème : le coffre-fort numérique prouve l’intégrité au moment du dépôt, mais pas la traçabilité complète des accès et des consultations. Un système d’archivage électronique, lui, aurait conservé l’historique exhaustif.
L’archivage électronique : une approche globale de la gestion documentaire
Qu’est-ce qu’un système d’archivage électronique ?
Le Système d’Archivage Électronique (SAE) dépasse largement le simple stockage. On parle ici de gestion complète du cycle de vie documentaire. Du versement initial jusqu’à la destruction finale, en passant par toutes les phases intermédiaires de conservation, le SAE orchestre tout.
Là où le coffre-fort numérique se concentre sur la sécurisation d’un espace de stockage, le SAE intègre des fonctionnalités de « record management »[3] : classification automatique, durées de conservation paramétrées selon la typologie documentaire, gestion des droits d’accès granulaires et destruction sécurisée conforme aux obligations légales.
Le Système d’Archivage Électronique dépasse également largement la simple sauvegarde, qui vise à restaurer des données en cas de panne ou d’incident. En effet, l’archivage électronique garantit la valeur probante et la conservation réglementaire des documents sur le long terme.
Les conditions pour un archivage électronique conforme
La norme NF Z42-013, publiée en 2009 par l’AFNOR, définit les exigences techniques et organisationnelles de l’archivage électronique. Transposée en norme internationale ISO 14641 en 2012, elle garantit l’intégrité, la traçabilité et la pérennité des documents conservés. L’AFNOR propose également la certification NF 461 « Système d’archivage électronique » qui atteste de la conformité d’un SAE. Pour une entreprise, faire appel à un prestataire certifié garantit que le système répond aux standards reconnus et a fait l’objet d’audits réguliers par un organisme indépendant, ce qui renforce la confiance dans la valeur probante des documents archivés.
Les 3 étapes du processus d’archivage doivent remplir ces conditions :
- Versement du document : contrôle de l’intégrité du document, validation des métadonnées obligatoires, attribution d’un identifiant unique pérenne
- Conservation du document : maintien de l’intégrité via des contrôles réguliers, surveillance de l’obsolescence technologique, sauvegardes redondantes
- Restitution du document : recherche facilitée par l’indexation, export conforme avec preuve d’authenticité, génération de bordereaux de versement
L’article 1366 du code civil pose trois conditions cumulatives pour qu’un document électronique ait la même force probante qu’un écrit papier : identifier la personne dont il émane, garantir son intégrité et le conserver dans des conditions qui en préservent l’intégrité. Sans leur respect, le document risque d’être écarté comme moyen de preuve lors d’un litige.
Le SAE combine plusieurs technologies pour répondre à ces exigences : horodatage qualifié eIDAS pour prouver l’existence du document à un instant précis, signature électronique pour garantir l’identité du signataire et empreintes cryptographiques pour détecter toute altération.
L’archivage électronique qualifié : au-delà de la simple conservation
L’archivage électronique qualifié représente le sommet de la hiérarchie en matière de conservation numérique. Il repose sur des services fournis par des Prestataires de Services de Confiance (PSCo) certifiés conformément au règlement eIDASv2.
Ce texte introduit officiellement le concept d’archivage électronique qualifié. La norme technique européenne CEN/TS 18170, publiée en avril 2025, sert désormais de référence pour garantir l’intégrité, l’authenticité et la traçabilité des documents. L’adoption de l’acte d’exécution par la Commission européenne est attendue d’ici fin 2025, sous réserve de confirmation du calendrier officiel.
L’archivage qualifié repose sur une certification délivrée par des organismes accrédités, comme le COFRAC en France. Les PSCo subissent des audits réguliers qui vérifient leurs procédures de sécurité, leurs contrôles techniques et leur documentation de conformité. Un document conservé dans un SAE qualifié bénéficie d’une présomption d’intégrité renforcée : en cas de litige, c’est à la partie adverse de prouver que le document a été altéré. Cette reconnaissance juridique européenne facilite son acceptation comme preuve devant les tribunaux.
Le PSCo engage sa responsabilité contractuelle et doit garantir la continuité de service, même en cas de défaillance technique. La réversibilité constitue une garantie fondamentale : en cas de changement de prestataire, vous récupérez l’intégralité de vos archives dans un format exploitable. Le SAE qualifié intègre également une veille sur l’obsolescence des formats de fichiers, avec des migrations préventives vers des formats pérennes (PDF/A, XML structuré) pour garantir la lisibilité des documents sur plusieurs décennies.
Comparatif détaillé entre coffre numérique et SAE : bien choisir sa solution
Tableau comparatif
| Critères | Coffre-fort numérique | Archivage électronique (SAE) |
| Objectif principal | Sécurisation de documents sensibles | Gestion complète du cycle de vie documentaire |
| Facilité d’utilisation | Interface simple, accessible sans formation technique | Interface complexe : nécessite une formation |
| Fonctionnalités | Stockage sécurisé, intégrité, traçabilité | Gestion du cycle de vie, classification, destruction automatisée, workflows |
| Conformité réglementaire | NF Z42-020 | NF Z42-013 / ISO 14641 + eIDAS 2 (pour archivage qualifié) + normes sectorielles |
| Valeur probante | Intégrité au moment du dépôt | Intégrité, authenticité et traçabilité garanties tout au long du cycle de vie |
| Coût | Modéré | Plus élevé |
| Capacité d’évolution | Limitée | Forte (gestion de volumes importants et montée en charge) |
| Volume et nature des documents | Volume limité de documents sensibles | Volumes importants et flux documentaires diversifiés avec automatisation |
| Exigences réglementaires sectorielles | Convient aux obligations standards | Adapté aux secteurs strictement réglementés (DORA, HDS, RGDP) |
| Besoins fonctionnels | Documents RH ou contractuels sans workflow complexe | Circuits de validation, recherche multicritères, gestion collaborative |
Quand privilégier chaque solution ?
Le coffre-fort numérique convient aux PME avec des besoins documentaires limités et recherchant la simplicité, notamment pour les documents RH ou contractuels sans workflow complexe. L’archivage électronique s’impose aux grandes entreprises gérant des volumes importants, aux secteurs réglementés (finance, santé, secteur public) et aux organisations nécessitant une traçabilité complète du cycle de vie documentaire.
Conclusion
Choisir entre coffre-fort numérique et archivage électronique ne relève pas d’une simple question technique. Cette décision engage la conformité réglementaire de votre entreprise, la valeur probante de vos documents et votre capacité à vous défendre en cas de litige.
Il convient de réaliser un audit préalable de vos besoins documentaires : quels types de documents conservez-vous ? Quelles sont vos obligations légales sectorielles ? Quels volumes traitez-vous ? Un accompagnement par des experts en gestion documentaire vous permettra de dimensionner correctement votre projet.
N’oubliez pas qu’une approche progressive reste possible : commencer par un coffre-fort numérique pour sécuriser vos documents les plus sensibles, puis évoluer vers un SAE complet lorsque vos besoins augmentent.
Sources
[1] Etude fraude 2022 Allianz Trade x DFCG (https://www.allianz-trade.fr/actualites/etude-fraude-2022.html) ; Rapport 2025 de l’Observatoire Tessi de la fraude documentaire (https://www.tessi.eu/fr/observatoire-tessi-de-la-fraude-documentaire/)
[2] Rapport annuel 2024 du Parquet européen : https://www.eppo.europa.eu/sites/default/files/2025-06/EPPO%20Annual%20Report%202024%20PDF_FR.pdf
[3] Gestion documentaire
Clause de non-responsabilité
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