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Renforcer la valeur probante d’une signature électronique via l’horodatage et le cachet électronique

Temps de lecture : 13 min
Date de publication : 3 juillet 2025
Date de modification : 3 juillet 2025

La dématérialisation des processus contractuels a généralisé le recours aux signatures électroniques, y compris dans les actes à portée juridique significative. Toutefois, l’efficacité probatoire de ces signatures dépend de multiples paramètres tant réglementaires que techniques.

Le règlement eIDAS (UE 910/2014) définit ainsi trois niveaux de signature électronique : simple, avancée et qualifiée. Seule cette dernière bénéficie d’une présomption de fiabilité, impliquant un renversement de la charge de la preuve : c’est à la partie contestant la signature d’en démontrer l’invalidité.

Pourtant, la présence de cette présomption ne suffit pas toujours. La jurisprudence récente atteste d’une exigence accrue quant à la qualité et à la documentation technique de la preuve.

Sommaire

Pourquoi s’interroger sur la valeur probante d’une signature électronique ?

Intégrité, identité, fiabilité : les 3 piliers de la signature électronique

La valeur probante d’une signature électronique repose sur sa capacité à démontrer trois éléments : l’identité du signataire, l’intégrité du document et la fiabilité du processus. Le règlement eIDAS distingue trois niveaux de signature :

  • Simple : aucun véritable contrôle de l’identité ou de l’intégrité, souvent basée sur une adresse email ou un identifiant.
  • Avancée : liée au signataire de manière univoque, créée par des moyens que celui-ci peut garder sous contrôle.
  • Qualifiée : fondée sur un certificat qualifié émis par un prestataire de services de confiance (PSCo), et créée avec un dispositif de création de signature électronique qualifié (QSCD).

L’importance du dossier des diligences techniques du dossier de preuves

Seule la signature qualifiée bénéficie d’une présomption de fiabilité juridique forte. Cependant la jurisprudence récente (1) montre que les magistrats n’hésitent plus à entrer dans le détail technique de la constitution du dossier de preuves. Celui-ci, pour être valide, doit comporter des éléments tangibles, tels que :

  • un fichier d’audit clairement structuré,
  • un horodatage qualifié assurant la date certaine,
  • une documentation explicite des étapes techniques suivies, en évitant les formats bruts non interprétables comme du XML non commenté…
  • Lorsque c’est pertinent, un cachet électronique émanant du PSCo, qui pourra venir sceller l’ensemble et attester ainsi de l’authenticité du porteur de preuve.

La lisibilité, la cohérence et l’accessibilité du dossier sont désormais des critères centraux d’évaluation judiciaire, que les parties contestataires n’hésiteront plus, au vu des récentes décisions de justice, à utiliser pour s’opposer à la validité d’une signature.

Intégration de l’horodatage dans les systèmes de signature internes

A quoi sert l’horodatage électronique qualifié ?

L’horodatage qualifié, défini par les articles 41 et 42 du règlement eIDAS, permet d’associer une date et une heure juridiquement reconnues à un fichier. Il garantit que celui-ci n’a pas été modifié depuis l’apposition de la date, assurant une valeur temporelle juridiquement reconnue dans toute l’UE.

Comment renforcer la valeur probante d’une signature électronique avec de l’horodatage qualifié ? Certaines organisations choisissent de développer leur propre système de signature électronique pour répondre à des besoins spécifiques comme :

  • maîtriser l’expérience utilisateur (UX/UI)
  • déployer plus rapidement
  • contrôler l’intégration avec des processus ou systèmes informatiques spécifiques
  • ou encore pour des raisons économiques, la signature maison pouvant être moins coûteuse que de passer par un prestataire externe de signature qualifié.

Dans le cadre de systèmes de signature « maison », l’ajout d’un jeton d’horodatage qualifié via un PSCo constitue un levier efficace pour donner une date certaine au document signé, renforcer son intégrité et lui conférer une valeur probante élevée.

Des cas d’usage concrets incluent la gestion de documents RH, les circuits d’approbation interne ou la collecte de consentement en ligne.

Les juges scrutent de plus en plus la composante technique des preuves électronique

En 2025, plusieurs cours d’appel ont rendu des décisions témoignant des exigences accrues des magistrats en matière de preuve électronique même lorsque la signature est qualifiée. Les litiges liés aux jurisprudences citées en référence dans cet article (1) opposent en grande majorité des banques ou institutions de crédit reconnus à leurs clients, qui avaient signé un contrat de prêt. Le point commun de ces affaires est la remise en cause de la valeur probante de signatures électroniques, y compris qualifiées, en raison de l’insuffisance ou de l’illisibilité du dossier technique associé.

Exemples de décisions de justice invalidant la recevabilité d’une signature électronique

  • CA Rouen, 10 avril 2025, RG n° 24/01774 : le fichier de preuve était inexploitable faute de documentation compréhensible.
  • CA Paris, 3 avril 2025, RG n° 23/19316 : la seule mention « signé électroniquement » a été jugée insuffisante pour caractériser la recevabilité de la preuve.
  • CA Douai, 27 mars 2025, RG n° 22/05040 et RG n° 22/05041 : les certificats de réalisation étaient présents, mais ne permettaient pas d’identifier avec certitude le signataire.
  • CA Riom, 19 mars 2025, RG n° 24/00497 : absence de preuve d’intégrité du document signé.
  • CA Versailles, 29 avril 2025, RG n°24/04372 et CA Paris, 15 mai 2025, RG n°24/02375 : documentation technique jugée incomplète et présentation trop technique pour être appréhendée utilement par le juge.

Il est fondamental de respecter l’ensemble des diligences techniques requises pour la qualification d’une signature électronique et de s’assurer, en l’absence de cadre précis sur les attendus, qu’ils sont aussi lisibles et précis que possible.

Ces arrêts convergent vers un constat : le juge est plus exigeant vis-à-vis des éléments techniques constitutifs d’un dossier de preuve électronique. Il n’hésite pas à écarter une preuve si le chemin technique permettant de vérifier l’identité du signataire et l’intégrité du document n’est pas lisiblement documenté.

Cela souligne l’importance de respecter l’ensemble des diligences techniques requises pour la qualification d’une signature électronique. L’absence de description précise des méthodes d’authentification, de validation du document, ou de journalisation des actions peut mener à un rejet pur et simple de la preuve. Il est donc indispensable de constituer un dossier de preuve structuré, intégrant un horodatage qualifié pour assurer la date certaine, et si possible scellé par un cachet électronique afin d’en garantir l’intégrité sur la durée.

Bonnes pratiques pour garantir la recevabilité des signatures électroniques : horodatage et cachet

Pour améliorer la force probante de la signature électronique et sa recevabilité en justice, plusieurs bonnes pratiques peuvent être mises en œuvre :

  • Dans le cadre de systèmes de signatures électronique développées en interne, y associer lorsque que le risque de contestation est fort, un jeton d’horodatage fourni par un prestataire de services de confiance qualifié eIDAS
  • S’assurer dans tous les cas que le dossier de preuve fourni dans le contexte d’un litige est lisible, compréhensible, et clairement relié au document signé.
  • Expliquer de manière intelligible pour un magistrat, qui n’est forcément familier avec le langage technique, le processus de signature, incluant les méthodes d’authentification et les étapes techniques.
  • Associer un horodatage de préférence qualifié aux différentes étapes de la diligence technique pour attester de leur date certaine.
  • Apposer, lorsque c’est pertinent, un cachet électronique au dossier probatoire pour sceller les éléments techniques, garantir l’authenticité et renforcer l’opposabilité du contrat.

Conclusion

Le débat sur la valeur probante d’une signature électronique ne se résout pas à la distinction simple/avancée/qualifiée. Il s’inscrit dans un contexte jurisprudentiel marqué par une série de décisions rendues au premier semestre 2025, dans lesquelles plusieurs cours d’appel françaises ont écarté des signatures électroniques en raison de carences techniques dans les éléments de preuve fournis. Ces décisions démontrent que les juges n’hésitent plus à examiner en profondeur la structure du dossier probatoire pour évaluer sa recevabilité.

Par ailleurs, l’association d’un horodatage qualifié à une signature électronique non qualifiée, telle que définie par le règlement eIDAS, est une solution facile à mettre en place et peu coûteuse pour renforcer la valeur probante d’une signature.

Jurisprudences citées tout au long de l’article

CA Rouen, 10 avril 2025, RG n° 24/01774

CA Paris, 3 avril 2025, RG n° 23/19316

CA Douai, 27 mars 2025, RG n° 22/05040 et RG n° 22/05041

CA Riom 19 mars 2025 RG n° 24/00497?

CA Douai 27 mars 2025, RG n° 22/05040 et RG n° 22/05041

CA Versailles 29 avril 2025 RG n°24/04372, CA Paris 15 mai 2025 RG n°24/02375

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A propos de l’auteur

Marine Yborra
Marine est Directrice Marketing chez Evidency. Forte de ses 20 ans d'expérience internationale dans les marchés B2B et B2C, elle apporte une expertise approfondie en branding et activation de marque.

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